La SFP : une tradition d’ouverture scientifique

Les fondateurs

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La Société Française de Physique est une association reconnue d’utilité publique fondée en 1873 sous l’égide de Joseph Charles d’Almeida, Alfred Cornu, Désiré Gernez, Jules-Antoine Lissajous et Eleuthère Mascart.

Membres de la « Réunion de l’Ecole Normale » qu’ils avaient initiés, pour « parler physique », ils souhaitaient offrir une société savante ouverte à tous les physiciens et sans nombre limité de membres, ce qui n’était pas le cas dans les autres sociétés savantes de l’époque (Société Philomatique de Paris et Académie des Sciences).

Hippolyte Fizeau, Henri Bertin, Jules Maurat et Alfred Cornu constituèrent son premier bureau, et Edmond Becquerel fut nommé membre honoraire.

Une société née de la volonté de rendre la physique ouverte et accessible

Le caractère ouvert de la Société Française de Physique se manifeste dès ses origines. Le 17 janvier 1873, quelques physiciens décident de se constituer en « Société de Physique » pour, selon leurs mots, « élargir le cercle » des échanges scientifiques entre pairs.

Cette initiative faisait suite à cinq années de rencontres informelles, au cours desquelles un petit groupe de chercheurs se réunissait pour « causer de physique ».

Dans son rapport fondateur, Jules Lissajous exprime leur ambition :

« Faire l’échange de leurs idées, s’informer sur les progrès de la science, et offrir aux physiciens le cadre d’une société ouverte. »

À l’époque, seules deux institutions accueillaient les physiciens, mais avec un accès restreint :

  • La Société philomatique de Paris, fondée à la fin du XVIIIe siècle

  • L’illustre Académie des sciences

Très vite, la Société Française de Physique connaît un essor rapide. Elle organise de nombreuses séances scientifiques, où sont présentées des expériences nouvelles, intéressantes et spectaculaires.

 

 

Création d’une « Bibliothèque circulante »

Avec la création de la Société de Physique, Charles d’Almeida et ses co-fondateurs voulaient faciliter l’accès aux nouveautés de la Physique à toutes les personnes intéressées sur tout le territoire français.

A peine la SFP constituée, d’Almeida proposa la création d’une bibliothèque circulante, permettant de mettre les principales revues scientifiques à la disposition des membres de la Société. L’initiative visait la diffusion des travaux les plus récents. La bibliothèque est crée avec la mise en disposition des trois revues : les Annales de Chimie et de Physique (française), le Philosophical Magazine (anglaise) et les Annales de Poggendorff (allemande). La bibliothèque grandit constamment. Quelques ouvrages étaient offerts et d’autres achetés par la SFP.

1900: La SFP organise le premier congrès international de l’histoire

Le premier congrès international de physique de l’Histoire, fut organisé par la Société Française de Physique en 1900 à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris.

Un congrès pionnier pour la science mondiale

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Du 6 au 10 août 1900, Paris devient le centre névralgique de la physique internationale. La Société Française de Physique, en pleine croissance, saisit l’opportunité offerte par l’Exposition universelle pour rassembler les plus grands esprits du moment. Le congrès est présidé par Alfred Cornu, avec William Thomson (Lord Kelvin) comme président honoraire, et le comité comprend des figures comme Lucien Poincaré, Louis Cailletet et Charles Édouard Guillaume.

Avec plus de 700 participants et 70 communications scientifiques, ce congrès pose les fondations d’un dialogue global entre physicien·nes, une première à cette échelle.

Des figures prestigieuses venues du monde entier

Parmi les personnalités présentes à ce premier congrès international de physique organisé par la SFP, on retrouve une constellation de noms qui marqueront durablement l’histoire des sciences :

  • Henri Becquerel, découvreur de la radioactivité

  • Marie et Pierre Curie, pionniers du polonium et du radium

  • Henri Poincaré, mathématicien et théoricien du chaos

  • Gabriel Lippmann, inventeur de la photographie en couleur

  • J. J. Thomson, découvreur de l’électron

  • Lord Kelvin, autorité mondiale en thermodynamique

  • Hendrik Lorentz, précurseur de la relativité

  • Jacobus van ‘t Hoff, Prix Nobel de chimie 1901

  • Kristian Birkeland, spécialiste des aurores polaires

  • William Crookes, pionnier des rayons cathodiques

  • Loránd Eötvös, célèbre pour ses travaux sur la gravitation

  • Henri Abraham, futur président de la SFP et figure tragique de la science française

  • Émile Picard, mathématicien et acteur institutionnel de la physique française

Cette diversité de nationalités (France, Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas, Hongrie, Norvège, Japon, États-Unis…) témoigne du caractère résolument international de l’événement.

Des thématiques au cœur des révolutions scientifiques

Les travaux présentés couvrent un large spectre :

  • Métrologie et constantes fondamentales

  • Optique et électromagnétisme

  • Rayons cathodiques et uraniques (préfigurant la physique nucléaire)

  • Pression de radiation, biophysique, thermodynamique

  • Premiers débats autour des phénomènes atomiques et quantiques

Certains résultats annoncent déjà les révolutions scientifiques du XXe siècle, comme la relativité (Einstein publiera en 1905) ou la mécanique quantique.

Un jalon vers les unions internationales de la physique

Ce congrès de 1900 préfigure la création en 1922 de l’Union internationale de physique pure et appliquée (IUPAP), à laquelle la SFP participera activement, avec Henri Abraham comme premier secrétaire général. L’héritage de cet événement pionnier se poursuit aujourd’hui dans toutes les grandes rencontres internationales de la physique.

1923 : Un hommage à 50 ans de découvertes majeures

À l’occasion du cinquantenaire de la SFP, Marcel Brillouin dresse un bilan des travaux marquants présentés lors des séances publiques depuis sa création.

Parmi les contributions françaises citées :

  • Les chronophotographies de Marey sur le vol des oiseaux

  • Les expériences de liquéfaction des gaz de Cailletet

  • Les recherches en optique de Fizeau, Cornu, Mascart

  • Les travaux de Gory, Edmond et Henri Becquerel, Bertin, Gernez et Gabriel Lippmann

Brillouin rappelle également que des découvertes étrangères majeures ont été communiquées à la SFP :

  • Les recherches de William Crookes

  • Les expériences de Graham Bell

  • Les innovations de Thomas Edison

Fait historique : la découverte de la radioactivité par Henri Becquerel et les Curie fut annoncée dans une séance de la SFP, preuve de son rôle central dans la diffusion des percées scientifiques.

1923 : la première « Exposition des Applications de la Physique »

Dès 1876, la SFP inaugure une tradition devenue essentielle et qui perdurera longtemps : à l’occasion de Pâques, la Société Française de Physique regroupe les expériences les plus marquantes de l’année ainsi que les appareils scientifiques innovants, créant une exposition pédagogique et démonstrative à destination du public comme des scientifiques.

La SFP et la « physique d’avant garde » dans les années 1890 1920

En 1923, une étape décisive est franchie : l’exposition annuelle est associée à une grande exposition de T.S.F. (télégraphie sans fil), à condition qu’elle conserve un caractère scientifique affirmé et que la SFP y joue un rôle central.

Sous la présidence de Brylinski, un comité de la Société Française de Physique organise la première Exposition des Applications de la Physique au Grand Palais à Paris.

Selon Émile Picard, président de la SFP cette même année :

« C’était la meilleure façon pour la Société Française de Physique de prendre part aux campagnes nécessaires en faveur des laboratoires français. »

Le sérieux de l’initiative est attesté par la levée d’un capital d’un million de francs, rassemblé par un syndicat de garantie, démontrant l’ampleur scientifique et politique de l’événement.

La Société Française de Physique et son engagement international au XXe siècle

Dès le début du XXe siècle, la Société Française de Physique (SFP) s’impose comme un acteur central de la science mondiale. Sous l’impulsion de personnalités scientifiques majeures, elle s’ouvre aux collaborations internationales et participe à la structuration de la physique à l’échelle européenne et globale. En favorisant le dialogue entre chercheurs et en soutenant la circulation des savoirs, son histoire témoigne d’une science ouverte, solidaire, et engagée dans les grands défis de son temps.

Henri Abraham : une figure majeure et tragique de la SFP

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Au tournant du siècle, la SFP est particulièrement dynamique. De 1900 à 1912, elle est dirigée par le physicien Henri Abraham, figure de proue de la science française. Ses procès-verbaux manuscrits des séances du Conseil témoignent de son implication.

Victime de la barbarie nazie, Henri Abraham périra en déportation pendant la Seconde Guerre mondiale, mais son rôle dans l’histoire de la physique reste fondamental.

En 1922, il est nommé président de la Société, l’année même de la fondation de l’Union Internationale de Physique, dont il devient le premier secrétaire général. Cette organisation, aujourd’hui connue sous le nom d’IUPAP (International Union of Pure and Applied Physics), marque une étape majeure dans la structuration des coopérations scientifiques internationales.

1923 : Paris accueille la première assemblée générale de l’IUPAP

La première assemblée générale de l’IUPAP est organisée à Paris en 1923, à l’occasion du cinquantenaire de la SFP. Un symbole fort du rôle moteur joué par la France dans la coordination mondiale de la recherche en physique.

La SFP participe activement à cette dynamique et continue d’affirmer son engagement au fil des décennies.

1968 : naissance de la Société Européenne de Physique

Quarante-cinq ans plus tard, en septembre 1968, la Société Française de Physique joue à nouveau un rôle essentiel dans la création de la Société Européenne de Physique (EPS).

Elle y est représentée par de grandes figures scientifiques :

  • Henri Curien, premier président de la SFP siégeant au bureau de l’EPS

  • Jacques Friedel, qui lui succédera dans cette fonction

Cette implication souligne la continuité de l’engagement international de la SFP, au-delà des frontières nationales.

Une tradition ancienne de coopération internationale

La vocation internationale de la SFP ne date pas d’hier. Déjà, le 16 avril 1903, la Société accueille des représentants du Bureau International des Poids et Mesures, venus de Budapest, Rome, Saint-Pétersbourg et Vienne.

Et dix ans plus tard, en 1913, les séances de Pâques comptent parmi leurs orateurs des noms prestigieux :

  • C.T.R. Wilson, futur prix Nobel de physique

  • Albert Einstein, figure émergente du monde scientifique

D’autres interventions marquantes sont notées, comme la visite de professeurs venus de Tokyo et de Baltimore, témoignant du rayonnement de la Société bien au-delà de l’Europe.

Un engagement international toujours actif

Aujourd’hui encore, la Société Française de Physique poursuit activement sa vocation internationale. Elle décerne plusieurs prix en collaboration avec d’autres sociétés européennes, participe aux actions de l’European Physical Society (EPS) dont elle est un membre moteur, et maintient une forte présence au sein des instances internationales.

Récemment, le physicien Michel Spiro, président de la SFP de 2016 à 2017, devint à la suite de son mandat président de l’IUPAP, l’International Union of Pure and Applied Physics. Par ailleurs, la commission Physique /optique sans frontière commune à la Société Française de Physique et la Société Française d’Optique mènent de nombreuses actions de solidarité scientifique, de coopération et de diffusion de la science dans les pays à ressources limitées, prolongeant l’idéal d’ouverture qui anime la SFP depuis 1873.