Les différents lasers : un tour d’horizon

Les lasers sont multiples : en fonction de leurs caractéristiques physiques intrinsèques (quel milieu à gain ? quelle cavité ? quel pompage ?), ils produisent des rayonnements couvrant des plages extrêmement vastes, tant du point de vue spectral – de l’extrême ultraviolet au lointain infrarouge – que temporel – du régime continu aux attosecondes – ou encore énergétique – du nano au mégajoule. C’est de cette impressionnante diversité que les lasers tirent leur capacité à répondre à tant d’applications différentes. Nous vous proposons dans cet article de faire un rapide tour d’horizon des différents types de lasers existants et de leurs performances.
Le laser a cinquante ans. Ses premiers photons sont nés dans un cristal de rubis, formant le premier laser solide (voir encadré 1 et p. 22). Puis ont été inventés les lasers à gaz (p. 22), les lasers à semi-conducteurs (p. 23) et les lasers à colorants (p. 23)… Cette invention majeure du siècle dernier a bouleversé nos modes de vie : à la maison, le laser nous permet de visionner des DVD, d’écouter des CD ; au supermarché, le laser lit les codes-barres imprimés sur les emballages ; dans l’industrie, il peut couper, souder, percer [1] ; en médecine, il répare ou il brûle des zones malades sans endommager les zones saines [2]… À chaque application son laser : une myriade de lasers aux propriétés variées (puissance, durée d’impulsions, longueur d’onde, fi nesse spectrale…) permet ainsi de trouver la bonne solution à chacune des problématiques. Parallèlement à ces nombreuses applications dans notre quotidien, les lasers restent encore présents dans les laboratoires. Ils ont notamment ouvert la voie à d’importantes découvertes en physique fondamentale : on peut citer, par exemple, la manipulation et le refroidissement d’atomes par les lasers, qui ont conduit à l’élaboration d’horloges atomiques toujours plus précises [3]. Outre un outil devenu indispensable pour la recherche, le laser est aussi un objet de recherche en soi. Dans les laboratoires, les chercheurs conçoivent aujourd’hui les lasers de demain, toujours plus performants. Sans prétendre faire une liste exhaustive de toutes les études menées à ce jour, donnons ici quelques exemples d’axes aujourd’hui explorés pour en montrer la diversité : certains d’entre eux seront développés plus en détails dans d’autres articles de ce numéro spécial.
Des lasers de plus en plus petits
Vedettes des lasers par leur nombre et leur chiffre d’affaires, les
Des lasers de plus en plus puissants
Si la course à la miniaturisation est bel et bien engagée, une autre course est ouverte aujourd’hui : celle à la puissance. Par exemple, l’industrie soude, coupe et perce avec des lasers à gaz très puissants (voir p. 22 et référence [1]). Les lasers à fi bres optiques (p. 22) pourraient succéder à ces lasers à gaz. Outre ces applications industrielles, les lasers se sont rapidement révélés comme des outils extraordinaires pour faire apparaître, puis étudier, des états extrêmes de la matière. Il est en particulier possible de concentrer en temps l’énergie d’un laser en une impulsion lumineuse, dont la durée peut varier de quelques femtosecondes, jusqu’à quelques centaines de nanosecondes. La puissance du laser – son énergie concentrée en temps – peut devenir absolument colossale, allant du gigawatt pour les « petits » lasers intenses, jusqu’à des niveaux dépassant aujourd’hui le petawatt (1015 watts). À titre de comparaison, la puissance électrique maximale disponible en France sur l’ensemble du territoire national est de l’ordre de 100 GW ! Mais cette puissance électrique est mise à notre disposition en continu, alors que les lasers intenses ne délivrent de telles puissances que pendant des temps très brefs. Toute matière soumise à de telles puissances se transforme en plasma, c’est-à-dire en fl uide d’électrons arrachés des atomes, et d’ions. L’état plasma nous est en fait bien connu – il est dominant à l’échelle de l’Univers, et est présent dans notre vie quotidienne via les tubes fl uorescents, la fl amme des bougies… Un plasma créé par laser a la particularité d’être généralement très chaud – de quelques milliers jusqu’à plusieurs dizaines de millions de kelvins. Un grand nombre de phénomènes physiques s’y déroulent, avec des applications potentiellement révolutionnaires. Ainsi, une particularité des plasmas est de pouvoir supporter des champs électriques très importants, typiquement dix mille fois supérieurs à ceux que peuvent supporter des isolants avant de claquer – l’avantage du plasma est ici évident, puisqu’un claquage n’est autre qu’une transition brutale vers un plasma – et on ne peut pas « claquer » un milieu déjà ionisé. Grâce à un mécanisme appelé « accélération par sillage », il apparaît aujourd’hui possible d’accélérer des électrons sur des distances millimétriques ou centimétriques jusqu’à des énergies énormes – l’accélération d’électrons par laser jusqu’à un gigaélectron-volt a ainsi été démontrée expérimentalement. On envisage donc très sérieusement de futures générations d’accélérateurs de particules par laser [5] ! Les avancées les plus spectaculaires en termes de puissance viendront certainement des lasers ultra-intenses qui occuperont des infrastructures gigantesques. On peut citer le Laser Mégajoule, actuellement en construction à Bordeaux. Au cœur de ce dispositif, deux cents faisceaux laser convergeront en un point pour fournir une énergie colossale de deux mégajoules en quelques nanosecondes. Une application phare de tels lasers de puissance concerne la production d’énergie par fusion contrôlée [6]. Un autre exemple est le projet européen Extreme Light Infrastructure, qui devrait voir le jour d’ici quelques années et produire des puissances si considérables (de l’ordre de l’exawatt – 1018 watts) qu’elles permettront d’étudier les interactions lumière-matière à une échelle inédite [7]. lasers à semiconducteurs (voir p. 23) font toujours l’objet de travaux de recherche. Avec les progrès des techniques de fabrication, la réduction de la taille des composants microélectroniques se poursuit. Dans cette course, on conçoit qu’à l’avenir, la seule adaptation des technologies antérieures ne permettra pas de poursuivre le rythme des améliorations de performances. Devant cet état de fait, il est donc nécessaire de mettre en œuvre des solutions évolutives (nouveaux matériaux, architectures originales…) ou révolutionnaires. Parmi ces dernières, une solution vise à combiner optique et microélectronique. Ceci passe par une réduction de la taille des lasers. C’est là la clé du succès des lasers semiconducteurs de petite taille. Mais les chercheurs veulent aller plus loin, avec le développement des microlasers, voire des nanolasers. Dans ce domaine, on peut citer pour exemple le développement de lasers Raman sur silicium, matériau peu onéreux et compatible avec les technologies de la microélectronique. Une autre approche explore des technologies hybrides, associant microcircuits en silicium et circuit photonique en arséniure de gallium ou phosphure d’indium. Cependant, à ces échelles submicroniques, les mécanismes qui gouvernent le fonctionnement de la source laser sont signifi cativement modi- fi és, imposant de revisiter la physique des lasers lorsque leurs dimensions deviennent égales ou inférieures à la longueur d’onde optique [4].
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Sébastien Forget(1) (sebastien.forget@univ-paris13.fr), Isabelle Robert-Philip(2) et Philippe Balcou(3)
(1) Laboratoire de physique des lasers, Université Paris 13, 99 avenue J.-B. Clément, 93430 Villetaneuse (2) Laboratoire de photonique et de nanostructures, CNRS, Route de Nozay, 91460 Marcoussis (3) Centre des lasers intenses et applications, Université de Bordeaux 1, 351 cours de la Libération, 33405 Talence Cedex