La physique et le développement

02 septembre 2014

Le but de cette lettre ouverte est de recenser les activités existantes ainsi que leurs promoteurs au Nord comme au Sud, d’inciter les acteurs francophones à se faire connaître pour renforcer la coopération en physique avec les pays en développement, en regroupant éventuellement certaines thématiques et en impulsant l’utilisation de nouveaux outils.

Les réflexions et les actions menées par la Société Française de Physique concernant la situation de la physique dans les pays en développement marquent le pas depuis quelques années. Les raisons en sont multiples : dans un contexte de plus en plus compétitif, la faible reconnaissance de ces activités en fait certainement partie. Pourtant, la physique intervient maintenant dans la plupart des aspects de notre vie quotidienne et son importance pour le développement (et le développement durable) n’est plus à démontrer.

Il faut souligner que l’accueil en France d’étudiants de pays en voie de développement pour des études doctorales ou d’ingénieurs au sein des universités, des organismes de recherche ou des grandes écoles reste important. La formation de docteurs en physique, si elle est indispensable pour accroître le vivier de futurs professeurs d’université et des élites scientifiques, ne répond que de manière imparfaite aux problèmes de développement, sauf si le retour dans le pays d’origine est soigneusement préparé. Certains pays de moindres ressources privilégient souvent la formation des ingénieurs, plus rapidement opérationnels sur le terrain. Enfin, il ne faut pas oublier les formations plus appliquées en Master et en IUT.

Pour préparer le retour des jeunes scientifiques, il est nécessaire de les accompagner pendant leurs études, en leur permettant aussi l’apprentissage de techniques qu’ils pourront mettre en œuvre facilement après leur retour, que ce soit pour l’enseignement ou pour la recherche. Il faut prendre soin de leur permettre de trouver ou de développer des outils à des coûts supportables, et de leur transmettre le goût de l’innovation et les capacités de valorisation. Alors que les mathématiques, certains domaines de la physique fondamentale et l’informatique requièrent relativement peu de moyens techniques pour être enseignés dans les pays en dévelop- pement, il en va tout autrement pour les sciences expérimentales. Elles nécessitent une instrumentation (généralement chère) pour, d’une part, pouvoir être enseignées correctement et, d’autre part, rendre possible des recherches comportant une forte partie expé- rimentale et des applications répondant à des problèmes sociétaux locaux. L’organisation de travaux pratiques demande de faire preuve de beaucoup d’ingéniosité, en exploitant au maximum les ressources locales. L’aspect très multidisciplinaire de l’instrumen- tation scientifique est une chance dans la formation des étudiants, mais constitue également une difficulté car toutes les compétences requises ont du mal à être réunies localement.

Les écueils sur la voie du développement scientifique et technologique sont nombreux : difficultés politiques, disparités entre capitales et régions, niveau scientifi que et technologique très variable, lourde bureaucratie, corruption, liaisons internet encore à améliorer pour constituer un outil efficace, fuite des cerveaux… Ceci implique qu’il n’existe pas de stratégie unique pour le « développement », mais des stratégies à mettre au point au cas par cas. Aujourd’hui, nous nous trouvons à un moment crucial où les développements scientifiques et technologiques récents et l’émergence de réseaux sociaux ubiquitaires nous permettent de penser que différents facteurs, comme par exemple l’utilisation des sauts technologiques, peuvent impulser un nouvel élan et contribuer à apporter des améliorations. Beaucoup des démarches et résultats de nos recherches ont un grand potentiel à être utilisés dans le cadre du « développement ». Qu’il s’agisse des logiciels open source, des MOOCs, de l’instrumentation à des coûts raisonnables ou même de la récupération de composants de haute technologie, dans le cadre des budgets en chute, toutes les idées sont bonnes !!

Le but de cette lettre ouverte est de recenser les activités existantes ainsi que leurs promoteurs au Nord comme au Sud, d’inciter les acteurs francophones à se faire connaître pour renforcer la coopération en physique avec les pays en développement, en regroupant éventuellement certaines thématiques et en impulsant l’utilisation de nouveaux outils.

 

Il est donc important :

  • d ’utiliser et regrouper les compétences et l’énergie de nos scientifiques et ingénieurs actifs et retraités vers des projets concrets concernant le développement, avec une grande ouverture d’esprit, sachant qu’à côté des coopérations institutionnelles, les coopérations informelles peuvent jouer un rôle important ;
  • de travailler en partenariat et être attentivement à l’écoute de nos collaborateurs du Sud;
  • d’entreprendre un dialogue avec des structures comme l’AUF(1), l’IRD(2), la Conférence des Grandes Écoles, la CPU, le CNRS, le CEA, le GID(3), Ingénieurs sans Frontières…;
  • de mettre en œuvre de nouvelles approches : (i) privilégier l’utilisation de logiciels libres de droits, les répertorier et en faire la publicité, (ii) profiter de la production de masse pour récupérer des éléments de haute technologie et les réutiliser, (iii) développer les méthodes impliquant des coûts réduits (approche “low cost”) lorsque cela est possible (même si cela n’est pas applicable à tous les domaines de la physique), (iv) soutenir les actions collaboratives;
  • de s’associer pour diffuser l’information scientifique et technologique de manière ciblée et opérationnelle, et rendre accessibles les actions de vulgarisation de la science et de la technologie ; réfléchir à des sources de financement alternatives, comme les fondations ou le financement collaboratif par des appels à des individus (“crowdsourcing”) ;
  • de créer en France un laboratoire du type de celui de l’université de Cambridge (http://openlabtools.eng.cam.ac.uk/), qui cherche à abaisser le coût des instruments scientifiques pour qu’ils soient plus largement disponibles.

Si vous êtes déjà impliqué(e) dans une action de développement et si vous souhaitez participer à une réflexion ainsi qu’à la définition et à la mise en œuvre de futures activités concrètes, faites-vous connaître en envoyant un courriel à l’adresse : sfp.physiquedeveloppement[a]gmail.com

Merci de décrire en une dizaine de lignes les actions dans lesquelles vous êtes impliqué(e) (pays, université ou institution d’enseignement supérieur, domaine de la physique, éducation ou recherche, etc…), et de nous faire part de vos réflexions et remarques concernant cette lettre ouverte. De même, si vous êtes intéressé(e) à participer à la mise en place d’un réseau pour mettre en œuvre des actions de développement, merci d’envoyer un courriel à la même adresse, avec vos coordonnées et le type d’action dans lequel vous souhaiteriez vous engager.

En retour, la Société Française de Physique s’engage à vous renvoyer une synthèse des réponses reçues et un projet de mise en place d’un réseau. Un réseau dynamique, composé d’acteurs intéressés dans le domaine de la « Physique pour le Développement », en capacité d’assurer une coordination des actions avec un esprit ouvert, peut être une vraie valeur ajoutée, bénéfique au plus grand nombre d’étudiants et de scientifiques, à l’étranger comme en France.