Des nanotubes autoassemblés qui changent de diamètre sur commande
Actualité INP – Institut de Physique CNRS
Aout 2015
Des chercheurs ont réalisé des nanotubes autoassemblés, dont le diamètre est contrôlé par l’acidité du milieu dans lequel ils sont plongés pour passer de 10 nanomètres à 50 nanomètres ou inversement. Leur secret réside dans la brique de base qui constitue ces nanotubes : la triptoréline, un peptide qui change de forme selon le pH.
Les physiciens savent aujourd’hui concevoir des objets de taille et de formes variées par autoassemblage de molécules. Tout comme les briques de construction Lego™, ces molécules contiennent toute l’information nécessaire à l’établissement de leurs futurs contacts au sein de la structure programmée. Placées en solution, ces molécules s’assemblent d’elle même selon ces règles d’assemblages pour former des structures de grande taille. Ces constructions sont toutefois statiques et il est impossible de changer, voire de contrôler leur morphologie une fois qu’elles sont construites. En utilisant la triptoréline, un peptide composé de 10 acides aminés dont la morphologie change selon l’acidité de la solution dans laquelle elle nage, des physiciens de l’Institut de physique de Rennes – IPR (CNRS/Univ.Rennes 1), du CEA-iBiTec-S et d’Ipsen ont réalisé pour la première fois des nanotubes autoassemblés, qui changent peuvent changer de diamètre alors qu’ils sont déjà constitués. Ces chercheurs ont en outre élucidé le mécanisme atomique conduisant au changement de conformation du peptide et apportent ainsi un éclairage nouveau sur la manière dont certains virus changent de conformation avec selon l’acidité du milieu. Ce travail est publié dans la revue Nature Communications.
Ce travail repose sur le choix par les chercheurs d’une molécule particulière, la triptoréline, un peptide analogue à une hormone naturelle, la gonadoréline. Lorsque la poudre de ce médicament est mise dans l’eau, un gel blanchâtre apparait au bout de quelques heures avec une texture qui dépend de l’acidité du milieu. De plus, si l’on change l’acidité de la solution, la texture de ce gel s’adapte en moins d’une journée à l’acidité du milieu. Il est possible de passer plusieurs fois d’une texture à l’autre. Les chercheurs ont tout d’abord identifié la présence dans les gels de natures grâce à des mesures de diffraction de rayons X effectuées au synchrotron Soleil. Des mesures par microscopie électronique ont confirmé l’existence de ces structures et permis de déterminer le diamètre des tubes formés : 10 nanomètres pour un pH acide inférieur à 6,5 et 50 nanomètres pour une solution basique de pH supérieur à 6,5. Les chercheurs ont ensuite déterminé le mécanisme responsable du changement de diamètre en combinant plusieurs techniques expérimentales complémentaires donnant accès à différentes échelles : spectroscopies vibrationnelles, diffusion et diffraction des rayons X sur le synchrotron Soleil. La clef de ce mécanisme est l’un des 10 acides aminés du peptide, l’histidine, qui, selon le pH fixe, ne fixe pas un proton, c’est- à-dire un noyau d’hydrogène. En milieu acide, le proton fixé par l’histidine est à l’origine d’une répulsion électrostatique qui impose alors une conformation très particulière au peptide. Lors de la neutralisation du pH, en perdant cet hydrogène, l’histidine devient neutre, mais ne perd pas son affinité pour les protons et remplace celui qu’elle avait capturé dans l’eau par un hydrogène appartenant à la fonction alcool d’un autre acide aminé du peptide au travers d’une liaison hydrogène. Cela a pour effet de bouleverser sa conformation. Les caractéristiques géométriques des autoassemblages dépendent bien évidemment de la conformation initiale du peptide qui dans ce cas dépend de l’acidité du milieu. Les nanotubes s’adaptent dynamiquement au changement d’acidité en changeant de diamètre entre 11 et 50 nm.
En savoir plus :
Atomic view of the Histidine environment stabilizing higher pH conformations of pH-dependent proteins, C. Valéry, S. Deville-Foillard, C. Lefebvre, N. Taberner, P. Legrand, F. Meneau, C. Meriadec, C. Delvaux, T. Bizien, E. Kasotakis, C.Lopez-Iglesias, A. Gall, S. Bressanelli, M.-H. Le Du, M. Paternostre, F.Artzner – Nature Communications (2015)
Contact chercheurs :
Franck Artzner, directeur de recherche CNRS
Marie-Thérèse Paternostre, directrice de recherche CNRS