Des girouettes qui pointent de biais

En observant la chute de cylindres munis d’un appendice dans un lame de savon, des physiciens ont montré qu’un objet symétrique muni d’un appendice court placé dans un écoulement s’oriente de biais et non pas dans l’axe du courant. 

Attachée à son axe, une girouette s’oriente toujours dans l’axe du vent. Cet objet, dont les deux faces sont parfaitement symétriques, a une géométrie qui ne privilégie ni la gauche ni la droite. Pourtant, comme viennent de le montrer des physiciens du Laboratoire Ondes et Matière d’Aquitaine – LOMA (CNRS/ Univ. Bordeaux), de l’Université de Gennes en Italie et du KTH en Suède, certaines girouettes pointent de biais et subissent alors du vent une force latérale.
Lorsque le diamètre du cylindre faisant office d’axe de rotation est plus grand que la moitié de la longueur de la queue plate et fine de ces girouettes, le couplage entre les instabilités hydrodynamiques provoquées par le cylindre et cet appendice provoque une inclinaison dont l’orientation est aléatoirement d’un côté ou de l’autre. Ce mécanisme, permettant la chute en biais d’un objet  symétrique, pourrait être présent dans la nature sans avoir été encore identifié comme tel, par exemple pour permettre la dispersion de graines tombant d’un arbre ou d’organismes dans la mer ou des cours d’eau. Ce travail est publié dans la revue Nature Communications.

Pour cette expérience, des physiciens ont attaché une plaque rigide à un cylindre de diamètre de l’ordre de 6 mm et maintenu à chacune de ses extrémités par un fil en nylon. Ils ont ensuite placé ce cylindre dans un film de savon s’écoulant verticalement à une vitesse d’environ 2 mètres par seconde (en orientant l’axe du cylindre perpendiculairement au film de savon). Les chercheurs ont alors mesuré l’orientation que prenait la plaque et la force latérale subie par le cylindre et ont simultanément visualisé l’écoulement grâce aux irisations du film de savon. Lorsque la longueur de la plaque est plus petite que deux fois le diamètre de la plaque, cette dernière s’incline spontanément avec un angle dépendant de la longueur de la plaque et pouvant atteindre jusque 40°. L’observation de l’écoulement montre que cette inclinaison résulte d’une instabilité qui brise la symétrie par rapport à la verticale et due à l’interaction entre les tourbillons apparaissant à l’arrière du cylindre et la plaque. Cette rotation engendre une force supplémentaire qui dévie le cylindre à droite ou à gauche selon l’orientation du fil par rapport à l’écoulement. Ce travail a été confirmé par des simulations numériques qui ont en outre permis de généraliser ce phénomène à des écoulements à trois dimensions concernant une sphère munie d’un appendice plan.

A gauche : Écoulement à faible vitesse autour d’un disque muni d’un appendice. Le système disque+appendice reste orienté dans le sens de l’écoulement qui est de haut en bas. A droite : Écoulement à forte vitesse autour d’un disque muni d’un appendice. Le système disque+appendice pointe de biais et n’est plus orienté dans le sens de l’écoulement (de haut en base). La position du disque a aussi bougé vers la droite. © Hamid Kellay

Pour en savoir plus :

Passive appendages generate drift through symmetry breaking, U. Lacis1,
N. Brosse1, F. Ingremeau2, A. Mazzino3, F. Lundell1, H. Kellay4 et S. Bagheri1,
Nature Communications, 2014

Contact chercheur :

Hamid Kellay, professeur de l’Université de Bordeaux

Article original : http://www.cnrs.fr/inp/spip.php?article3257)